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Portrait d’une femme qui a marqué Paris : Olympe de Gouges

article rédigé par
La REdaction

Une incroyable avant-gardiste puisqu’elle est la première femme à avoir réclamé l’égalité des sexes dans les institutions. On parle bien sûr d’Olympe de Gouges.

Nous sommes le 7 mai 1748, Marie Gouze vient de naître à Montauban, en Occitanie. Sa mère, Anne-Olympe Mouisset, est fille d’un marchand drapier aisé de la ville, son père déclaré, Pierre Gouze, est maître boucher. On raconte que sa mère aurait entretenu une liaison avec son parrain, le Marquis de Pompignan, président de la Cour d’Assises de Montauban et membre de l’Académie Française et que ce serait lui, le véritable père de Marie. Mais ce fait n’a jamais été officiellement reconnu, même si la légende dit que lorsqu’une rumeur laissa entendre que Marie Gouze était une « bâtarde » de Louis XV, celle-ci aurait répondu qu’elle n’était « point fille de roi, mais d’une tête couronnée de lauriers »…

En 1765, à l’âge de dix-sept ans, Marie est contrainte d’épouser Louis-Yves Aubry, un traiteur grossier et peu éduqué de quarante-sept ans. L’année suivante, elle accouche d’un fils, Pierre, et devient veuve. A vingt-ans, Marie Gouze, mère célibataire, devient alors Olympe de Gouges, en hommage à sa mère et pour se détacher d’un nom, Aubry, qui lui évoque de mauvais souvenirs. Son rêve ? Intégrer le monde très fermé des Lettres.

Portrait en pied d’Olympe de Gouges ; aquarelle anonyme du 18 ème siècle ; musée du Louvre. © histoire-image.org

En 1770, elle suit son amant Jacques Biétrix de Rozières, un riche toulousain, jusqu’à Paris. Si elle refuse catégoriquement de l’épouser, préférant une sorte de contrat social au mariage, c’est grâce à l’aide financière de Jacques qu’Olympe apprend le français (elle parle jusqu’alors l’occitan), fréquente les salons à la mode, s’y trouve des admirateurs et y rencontre la société artistique et intellectuelle du Paris des Lumières. Bientôt, elle figure dans L’Almanach de Paris, répertoire des parisiens dits « de condition ».

A la trentaine, Olympe de Gouges habite dans le quartier du Faubourg Poissonnière. Elle publie, en 1784, ses premiers écrits : Mémoire de Madame de Valmont. La loi française interdisant à une femme auteure de publier un ouvrage sans le consentement de son époux, Marie devenue Olympe ne se remariera jamais. De toute façon, selon elle, le mariage religieux est le « tombeau de la confiance et de l’amour ».

Portrait d’Alexander Kucharsky, 18 ème siècle

Passionnée de théâtre et de politique, Olympe écrits des articles, romans et pièces de théâtre emprunts des idées des Lumières. Tous ont une portée politique et sont, de ce fait, souvent controversés. L’une de ses pièces, Zamore et Mirza ou l’heureux naufrage, (renommée ensuite l’Esclavage des Nègres), critique les pratiques des colonies françaises en donnant la parole à des esclaves noirs. Inscrite en 1785 au répertoire de la Comédie Française, la pièce ne sera jamais jouée et Olympe intentera un procès à la Comédie (qui aboutira à une reconnaissance plus importante des droits des auteurs face aux comédiens, jusqu’alors tout-puissants). 

Grâce à cette pièce, Olympe de Gouges est également la seule femme à avoir été citée dans la « Liste des hommes courageux qui ont plaidé ou agi pour l’abolition de la Traite des Noirs », en 1808.

Un an plus tard, autre combat : Olympe écrit une suite au Mariage de Figaro de Beaumarchais, dans laquelle elle dénonce le mariage forcé des filles et plaide pour l’émancipation féminine.

© Elodie Bouédec

Pendant la Révolution, Olympe défend les principes d’une monarchie constitutionnelle tout en défendant de nombreuses réformes très avant-gardiste : la liberté d’expression (droit présent dans la DDHC de 1789), l’égalité des sexes (on y travaille encore), l’instauration du divorce (dès 1792), l’abolition de l’esclavage (il faudra attendre 1848) et de la peine de mort (en 1981 seulement), la création d’un impôt sur les revenus des plus riches (1914 le Sénat adopte la création de l’impôt progressif sur l’ensemble des revenus), la distribution des terres en friche à des paysans ou des coopératives, la création de maternités et de foyers solidaires pour les plus démuni(e)… Bref, Olympe de Gouges est très (très) en avance sur son temps.

En 1791, alors qu’elle habite à Auteuil, Olympe publie une brochure intitulée Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenneavec une petite dédicace à Marie-Antoinette dans l’article 10 :  « La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ».  Ce texte bienvenu, qui prévaut comme premier document juridique français traitant de l’égalité des sexes, est présenté à l’Assemblée nationale le 28 octobre 1791, mais est aussitôt refusé par la Convention.

© Catel Muller / Editions Casterman

Olympe considérait que « l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de la femme sont les seules causes de malheurs publics et de la corruption des gouvernements ».

En juillet 1793, suite à la diffusion d’un pamphlet intitulé Les Trois urnes, dans lequel elle accuse Robespierre et Marat d’être des artisans de la Terreur, Olympe de Gouges est arrêtée et emprisonnée à l’Abbaye de Saint-Germain-des-Prés. A cause de son militantisme et de son courage, elle est accusée d’injures envers les représentants du peuple et de publication d’écrits contre-révolutionnaires. Tout le monde lui tourne alors le dos, même son propre fils qui, sous la pression, va jusqu’à la renier publiquement.

La Petite Force, dans le quartier du Marais à Paris, est la prison (aujourd’hui disparue) où Olympe de Gouges fut détenue avant son procès.

 Le 2 novembre, Olympe comparaît devant le Tribunal révolutionnaire et est condamnée à mort. Elle qui lutta toute sa vie contre la peine de mort est guillotinée à Paris, sur l’actuelle Place de la Concorde, le 3 novembre 1794. Sur l’échafaud, elle aurait crié à la foule : « Enfants de la patrie, vous vengerez ma mort ! »

18 rue Servandoni, où vécut Olympe de Gouges © Wikimedia Commons / Mu

Elle est la seconde femme guillotinée de l’histoire de France, après Marie-Antoinette.

Sa nécrologie, rédigée par le procureur de la Commune de Paris, Chaumette, et publiée dans Le Moniteur, commence ainsi : « Rappelez-vous l’impudente Olympe de Gouges qui la première institua des sociétés de femmes et abandonna les soins du ménage pour se mêler de la République, et dont la tête est tombée sous le fer vengeur des lois »…

 

Photo de UNE : Aquarelle anonyme © Photo Josse / leemage

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