Culture
PORTRAIT : Jean-Paul Favand, le Musée des Arts Forains, c’est lui !
Cette semaine, on vous partage notre rencontre avec Jean-Paul Favand, cet antiquaire originaire de Saint-Étienne et fondateur du musée des Arts Forains à Paris !
« Je suis quelqu’un de curieux et dès mon début d’activité en tant qu’antiquaire je me suis intéressé aux objets du spectacle ! Très vite, je me suis rendu compte qu’ils étaient en mauvais état et qu’il fallait les restaurer ! Je voulais leur rendre la parole, tout cela m’a pris environ 30 ans, bien entendu je faisais d’autres choses à côté ! Je suis ici aux Pavillons de Bercy depuis 20 ans où là pour le coup je ne fais que ça. Bon, sur les années je ne suis pas très bon et surtout, j’aime bien arrondir… (rires).
Donc ces objets m’ont suivis pendant toute une carrière où je les présentais soit dans un bistrot « Le Tribulum » dont je changeais le décor tous les 6 mois, un lieu où passaient 1 500 personnes par jour, c’était une sorte de salle de spectacle avec des pianistes, les gens des arts de rue qui se donnaient rendez-vous chez moi… C’était situé dans Les Halles. Quand Aragon est mort, en son hommage, Léo Ferret est venu chanter les chansons d’Aragon dans mon lieu : je voulais faire de ce lieu un endroit où les gens qui créent se retrouvent et là ça a été une apothéose pour moi !
Ensuite, j’ai mis en avant les objets dans des expositions spectacles : pour moi, ces objets sont des artistes ! Il faut les sélectionner, les passer en revue, faire des auditions.. les choisir et ensuite les restaurer pour leur rende la parole qui parfois s’efface sous les couches de peinture. Les vibrations peuvent avoir disparues notamment du fait des couches successives mais on ponce, et on fait renaître ces vibrations qui étaient juste éteintes finalement !
Ensuite, il faut les positionner comme ils ne bougent pas d’eux-mêmes (rires). Puis il faut les éclairer : j’ai envie d’en parler car moi qui cherche à faire voir et à faire converser le public avec ces objets vivants, l’éclairage est absolument essentiel. Depuis 20 ans je me suis préoccupé d’éclairer mes objets avec des projecteurs vidéos ce qui était tout nouveau, j’ai été un précurseur dans ce domaine. Un projecteur permet d’éclairer plusieurs objets en même temps, de les détourer, de créer des ombres et celles-ci sont essentielles !
Tout mon travail consiste à recréer mon propre mode de lumière et pour moi c’est 50% de l’expression, ce qui va permettre aux gens de comprendre sans explication. Au musée des Arts Forains, il n’y a pas d’explication, pas de cartel… je tiens à ce que les gens vivent ici et maintenant sans se référer à leurs connaissances, à leurs angoisses du futur. Je veux qu’ils ne réfléchissent pas : c‘est le rêve éveillé, bien sûr je ne veux pas qu’ils s’endorment (rires) ! Si on repart avec le sourire pour moi c’est gagné car j’ai des chances qu’ils le gardent un petit bout de temps. Puis ensuite, ils auront le souvenir du sourire qu’ils ont eu. Je fais un vrai travail sur le rêve et les choses positives.
Concernant les objets que je présente, il y a des objets manufacturés mais aussi beaucoup d’objets de la nature, ce sont d’ailleurs les plus vieux : certaines pierres ont des milliards d’années ! Mon rapport aux objets est compliqué, ce sont tous des vedettes selon moi ! Si je devais choisir un objet à emporter sur une île déserte, j’emporterais peut-être Victor Hugo… un de ses dessins (à 10cm de nous, sans le savoir pendant toute l’interview, se trouvait un dessin réalisé de la main de Victor Hugo).
Concernant ma recherche d’objets, ça se passe sur Internet la plupart du temps, les objets sont aux enchères également. J’ai un projet en ce moment, ce qui m’a donné une bonne raison d’acheter des choses. J’aimerais créer un nouveau musée, une sorte de réserve ouverte avec toute la collection : cela permet de conserver et de voir !
Concernant le spectacle actuel, pour le Festival du Merveilleux, c’est le music hall qui est mis en avant. Et ce qui est intéressant c’est qu’en France le rire n’est pas mis en avant : il n’y a pas de musée du spectacle par exemple tandis qu’il y a beaucoup de musées commémoratifs… En France, le rire n’est pas pris au sérieux et il y a d’ailleurs eu un gros mépris pour la Fête Foraine tout comme sur le music hall or c’est également un travail d’artisanat extraordinaire. Il est d’ailleurs plus difficile de faire un beau costume qui déshabille qu’un costume qui habille… et c’est aussi ce savoir-faire que je veux mettre en avant !
Voir cette publication sur Instagram
Ce music hall ça a amusé beaucoup de gens, la France a même existé à travers ça mais il n’y a pas de musée là-dessus, rien n’est développé sur ce sujet… Aujourd’hui avec Joséphine Baker, on remet la focale dessus, ça a du passer par là : elle est un emblème pour le music hall. Et c’est aussi pour ça que pour cet hiver, on met ça en avant pour parler du music hall de façon plus large ! Évoquer le music hall avec Joséphine Baker qui était chez moi depuis longtemps puisque ça fait des années que je collectionne des objets lui ayant appartenu… ça me fait chaud au coeur !
Pour l’édition de cette année du Festival du Merveilleux, le décor de notre rue privée transporte dès l’arrivée avec la rue enneigée : j’aime bien la regarder moi donc j’espère que les gens aussi… Aujourd’hui je vis dans ce lieu, j’ai obtenu par une certaine réussite de mon travail, certains disent ça leur a donné la liberté, moi je pense ça m’a donné la liberté de choisir ma prison et de l’aménager pour qu’elle soit agréable pour moi… et pour les autres ! »
+ D’INFOS
Musée des Arts Forains
Festival du Merveilleux
53 avenue des Terroirs de France
75012 Paris
Du dimanche 26 décembre 2021 au dimanche 2 janvier 2022
Tous les jours de 10 h à 18 h, dernière entrée à 17h30, visite libre des espaces et spectacles toutes les 30 minutes
Pour accéder à la billetterie, cliquez ici !
Photo de une : Jean-Paul Favand dans la cour des Pavillons de Bercy / ©Vivre Paris
S G