Culture
Le jour où… L’Abbé Pierre lançait son célèbre appel en faveur des sans-abris : « Mes amis, au secours ! »
Figure emblématique de la lutte contre la pauvreté, l’Abbé Pierre a dédié sa vie aux sans-abris et à ceux qu’il appelait ses « frères mourant de misère ». On revient pour vous sur son appel du 1er février 1954, ce cri du coeur qui a eu un impact sans précédent en France.
Hiver 1954. Alors que le froid fait rage dans une grande partie de l’Hexagone, un jeune prêtre catholique décide de prendre le problème à bras le corps. Le 1er février 1954 à 13h15, en direct sur Radio Luxembourg (future RTL), l’Abbé Pierre débute un discours qui touchera au coeur les millions de Français qui écoutent la radio ce jour-là.
Dans un discours de quelques minutes à peine, il appelle à la solidarité de tous pour que s’ouvrent des lieux de secours pouvant accueillir les milliers de personnes qui dorment dehors. Un véritable cri de colère qui, 65 ans plus tard, continue de bouleverser : « Mes amis, au secours. Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée. Chaque nuit, ils sont plus de 2 000 recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu. »
Quelques années plus tôt, en 1949, il avait ouvert, presque dans l’anonymat, la toute première communauté Emmaüs, à Neuilly-Plaisance dans l’Est parisien. À peine quelques semaines auparavant, il avait déjà lancé un cri d’alarme dans une lettre ouverte au ministre de la Reconstruction publiée dans Le Figaro : Marc, un bébé d’à peine quelques mois était décédé à Neuilly-Plaisance alors que ses parents vivaient dans un vieil autocar à peine rafistolé. Ce premier appel n’aura guère d’effet. Celui du 1er février 1954, lui, aura un impact national historique.
Immédiatement, les Français s’engagent dans une chaîne de solidarité sans précédent : 500 millions de francs sont récoltés en quelques jours pour ouvrir des centres d’accueil d’urgence, les standards téléphoniques d’Emmaüs, de RTL et de l’Hôtel Rochester où sont entreposés une partie des dons des Parisiens explosent, les produits de première nécessité affluent de toute la France. Les dons en nature (presque 10 000 tonnes !) sont tels qu’une partie de la gare d’Orsay, désaffectée, est réquisitionnée pour les stocker. Sur la façade, un immense calicot est accroché : “Gare de l’espoir, Paris vous aide”.
Quatre jours après ce cri du coeur entendu sur la radio la plus écoutée de France à l’époque, le Parlement adopte à l’unanimité un programme de 10 milliards de francs pour la construction de 12 000 logements de première nécessité. 65 ans après ce cri du coeur et 12 ans après le décès de l’Abbé Pierre, sa fondation continue d’oeuvrer pour les 4 millions de mal-logés et les 200 000 sans-abris en France.
C.R