Connect with us

Culture

Portrait de femme qui a marqué Paris : Agnès Varda

Publié le

Le

Vivre Paris vous dévoile tout ce qu’il faut savoir sur l’attachante Agnès Varda, une artiste qui a marqué Paris.

Nous sommes le 30 mai 1928, Arlette Varda vient de naître à Ixelles en Belgique, d’un père entrepreneur grec et d’une mère française, fille de pasteur. Elle grandit en Belgique jusqu’en 1940 quand, âgée de douze ans, elle fuit jusqu’à Sète.

Elle y vit, avec ses quatre frères et soeurs et ses deux parents, sur un minuscule bateau ; ce qui lui permet d’être la seule petite fille de son école (avec sa soeur) à avoir le droit de porter des pantalons.

Sete Vivre Paris

© FredP

Mais vite, Arlette veut vivre par elle-même. Après le baccalauréat, l’adolescente veut « disparaître  » et fugue plus de trois mois en Corse. Sa mère lui avouera plus tard que son père ne fit rien pour la retrouver par peur du scandale. Les non-dits, le souci du paraître et les convenances du milieu bourgeois ennuient et révoltent Agnès Varda.

Ses études supérieures, elle les fera donc à Paris. Aux beaux-arts Arlette étudie la photographie et à l’école du Louvre elle apprend l’histoire de l’art.

Beaux arts Paris

© Jean-Pierre Dalbéra / Creative Commons

Son prénom, elle ne l’aime pas. « J’ai été conçu à Arles, donc ma mère m’a appelé Arlette et j’ai souvent pensé que si j’avais été conçu à Tours je me serais appelée Tourette … » Ca aussi, elle veut s’en défaire.

Agnes Varda

1970 © AFP

Elle cherche dans sa famille paternelle un prénom qui lui plaise davantage. Elle choisira Agnès, dont elle aime beaucoup la sonorité et qu’elle a été jusqu’à faire enregistrer au tribunal d’instance.

En 1948, elle rencontre Jean Vilar, époux d’une de ses amies d’enfance, Andrée. Il lui offre un emploi de photographe au Festival d’Avignon, qu’il a créé en 1947.

Par la suite, elle s’est fait connaître en photographiant la troupe du Théâtre National Populaire, dont elle est devenue la photographe officielle.

Arlette n’est donc pas du tout cinéphile, elle dit « avoir les yeux curieux » mais aucune imagination. Elle a tout de même fini par trouver la photographie trop muette et a eu envie de cinéma.

Varda femme qui a marque Paris

Agnès Varda et son appareil photo, 1960 © Edouard Boubat / Gamma Rapho / Getty Images

A 25 ans, elle n’a vu que 7/8 films et ne va pas au cinéma. Alain Resnais l’invite à aller voir des films à la cinémathèque avenue de Messine (75008). Finalement, en 1954, elle tourne à Sète son premier long métrage, avec les moyens du bord.

La Pointe Courte, avec Philippe Noiret, Sylvie Monfort et Alain Resnais au montage est une sorte d’avant goût de la Nouvelle Vague, bien qu’Agnès Varda ne se revendique d’aucun courant, si ce n’est le sien. Dans Le Monde, le critique Jean de Baroncelli décrit La Pointe-Courte comme :  « Le premier son de cloche d’un immense carillon ». Et il avait raison. 

Agnes Varda biographie Festival de Cannes

Le 72 ème Festival de Cannes rend hommage à Agnès Varda avec cette affiche, dont la photo est extraite de « La Pointe Courte ».

En 1958, quatre mois après qu’Agnès Varda ait accouchée de sa fille Rosalie (conçue avec le comédien Antoine Bourseiller), elle rencontre le réalisateur Jacques Demy, au Festival de Tours.

Les deux cinéastes se marient en 1962. Antoine Bourseiller adopte Rosalie et avec Agnès, ils ont un fils : Mathieu, né en 1972.

Jacques Demy Agnes Varda Paris

© Pierre Boulat / Cosmos

Durant sa vie de cinéaste, Agnès Varda fut une expérimentatrice :  fiction, documentaire, mélange des deux, intrusion de la fantaisie dans le réel… Elle a tout essayé. En a résulté la création d’oeuvres fortes prenant le contre-pied des habitudes qui, jusqu’ici, assurait la reconnaissance dû au respect des traditions.

Agnes Varda Cleo de 5 a 7

Agnès Varda (à droite) avec Corinne Marchand sur le tournage de Cléo de 5 à 7 (1962) © BFI

Son premier succès, en 1961, n’évoque rien de ces traditions. « Cléo de 5 à 7 » parle de la mort, mais est encré dans la vie. Il est l’un des premiers films de femme à avoir été sélectionnés à Cannes.

Le chef d’oeuvre a pour décor les rues des 13 ème et 14 ème arrondissements. Or, disait Varda : « Je n’habite pas Paris, j’habite Paris 14 ème ».

Il faut dire qu’elle vécut plus de soixante ans au même endroit : la petite maison rose de la rue Daguerre.

Devant chez elle © Dorothée Barba / RF

Cette maison de ville n’a pourtant pas toujours été aussi charmante, comme elle le raconte en 2013 dans un cahier spécial de Libération :

« En 1951, j’étais jeune et photographe et je cherchais un atelier dans ce quartier, populaire et artiste (…) Dans les annonces de fonds de commerce, j’ai trouvé (…) une boutique d’encadrement qui se prolongeait par les ateliers avec, en haut, une grande pièce pour la dorure et une épicerie récemment fermée. Entre les deux, une ruelle.

Agnes Varda Paris 14 eme

La dite ruelle est devenue une cour fleurie © Le Point

Le tout dans un état de demi-taudis avec pour seul sanitaire un cabinet à la turque dans la cour. L’espace m’a plu et j’ai imaginé vivre là. Daguerre, né avec la Révolution française, me protégerait. »

Elle a même tourné un film, sur cette rue (plus précisément sur une partie de cette rue, entre le numéro 70 et le numéro 90) « Daguerreotype », sorti en 1975.

Agnès Varda est une fidèle, sa maison en est la preuve, mais sa coupe de cheveux aussi. Elle a gardé la même pendant 19 ans.

« Bizarrement, dans toutes les complications et les vies que j’ai eues, j’ai été très fidèle à quelque chose. Cette espèce de façon de ne pas lutter pour être belle, être jeune, faire mieux que les autres et tout ça… J’ai essayé d’être comme ça, de faire ce que j’avais à faire.. Mais qui me le dictais, je ne sais pas. »

Agnes Varda vie Paris

2017, Beverly Hills (Californie) © Valerie Macon / AFP

Entre 1968 et 1970, puis entre 1979 et 1981 la cinéaste séjourne à Los Angeles, où elle réalise un film hippie-hollywoodien, « Lions Love », ainsi que plusieurs courts documentaires.

De retour en France, elle tourne un film féministe et optimiste : « L’une chante, l’autre pas. » Agnès Varda est une femme engagée, elle fait partie des femmes qui ont signées le manifeste des 343 (343 Françaises ont signées un manifeste « Je me suis fait avorter », pour lutter pour la dépénalisation de l’avortement), en 1971.

Agnes Varda cineaste

© DR / Tumblr

Agnès Varda n’est pas que féministe ; elle est surtout proche des autres. Ses films évoquent la peur de la mort et l’altérabilité de la vie (Cléo de 5 à 7), la rupture amoureuse (Documenteur), les sans domiciles fixes (Les Glaneurs et la Glaneuse)…

Avec « Les plages d’Agnès », sorti en 2008, la cinéaste parle aussi d’elle-même. « Si on ouvrait les gens, on trouverait des paysages. Moi, si on m’ouvrait, on trouverait des plages. » Dira-t-elle au sujet de cet autoportrait cinématographique.

Les plages d'Agnes Varda

© cinematheque.fr

Ce monde qui parfois la révolte, la bouleverse ou l’amuse, elle décide de le dépeindre à travers (presque) tous les arts. C’est pourquoi en 2003, Agnès Varda devient artiste plasticienne (mais préfère le terme « artiste visuel »). Elle crée des installations, avec vidéos et photographies et fut notamment exposée à la Fondation Cartier à Paris, au MOMA à New-York, au LACMA de Los Angeles ou encore au musée Paul-Valéry de Sète.

En 2017, l’éclectique Agnès Varda réalise une collaboration inattendue avec un autre artiste célèbre : JR.

Agnes Varda JR

© JR / Twitter

Le film documentaire qu’ils réalisent ensemble « Visages, Villages » est d’abord au coeur d’une polémique (car le projet initial est né autour d’une cagnotte en ligne), pour être finalement nommé aux Oscars et aux Césars. Cette année là elle est la première femme cinéaste à recevoir un Oscar d’honneur, à Hollywood, pour saluer l’ensemble de sa carrière.

Ce petit bout de femme excentrique et attachant s’est éteint chez elle, à la suite d’un cancer, entourée de sa famille (mis à part son mari, décédé en 1990), dans la nuit du 28 au 29 mars 2019. Elle avait 90 ans.

« Les chats ont 7 vies. Moi je n’en ai eu que 3 : photographe, cinéaste et artiste », écrivait-elle sous forme d’épitaphe dans le « préambule à bulles » de l’album accompagnant le coffret de l’intégrale de ses films (44 en comptant les courts et longs métrages et les docus), sorti en 2012.

Photographe au festival d’Avignon, en Chine ou à Cuba, puis cinéaste à une époque ou il n’y avait pas de femmes cinéastes et artiste au grand coeur toujours en phase avec son temps.

Agnes Varda histoire femme Paris

© Alasdair McLellan

Trois carrières donc, deux enfants et cinq petits-enfants : Valentin, Augustin, Corentin (fils de Rosalie), Constantin et Alice (enfants de Mathieu). Une artiste, une femme, une mère et une grand-mère complète, en fait, qui a marqué le coeur des parisiens.