Culture
PORTRAIT : Thomas Waroquier, artisan sculpteur à Montmartre
Hé oui, dans les petites rues de Montmartre se trouvent encore des artistes ! Il y a quelques semaines nous avons eu la chance de passer la porte de l’atelier de Thomas Waroquier, rue Feutrier. Rencontre avec ce jeune prodige, aussi sympa que talentueux !
« Je m’appelle Thomas, j’ai 25 ans et je suis sculpteur ! Ça fait 4 ans que je suis dans ce super atelier de Montmartre que je partage avec un autre artiste. Ici c’est notre atelier de création et moulage, on fait pas de feu, pas trop de bruit… pour le reste : la fonte du bronzage, les soudures c’est un autre atelier ! Là on est plus dans notre havre de paix.
Mais il s’en est passé des choses avant que j’arrive ici… Au départ je voulais être dessinateur de presse, c’était ça mon premier amour, j’ai adoré ça ! Par hasard, j’ai fait les portes ouvertes de l’atelier du métal à Olivier de Serres, c’est l’École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art qui se situe dans le 15ème arrondissement et ça a été juste la révélation. J’ai craqué pour cet atelier, j’ai postulé sans vraiment savoir pourquoi j’y allais et j’ai été pris !
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J’ai pas forcément montré beaucoup de choses mais, j’ai été pris… sur différents boulots ils se sont rendus compte que je pouvais passer beaucoup de temps sur un seul projet. Et c’est ça le coeur de cet artisanat : ce sont des travaux qui nécessitent plusieurs mois de travail, beaucoup d’étapes… Ça par exemple c’est 6 mois (Thomas montre une de ses « gueules cassées ») mais bien sûr j’ai toujours plusieurs projets en même temps !
La sculpture demande ça aussi, d’être sur pleins de choses à la fois : il y a le séchage, la cuisson… en fait il y a beaucoup de chômage technique (rires). Je suis très lent et donc… quand je faisais du dessins de presse, j’avais une bonne idée mais temps de la mettre en place il se passait une semaine puis… c’était plus d’actualité !
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Donc j’ai fait mes études puis un stage avec un sculpteur américain qui s’appelle Al Farrow, il est pas très connu en Europe mais aux Etats-Unis… c’est une rock star (rires) ! En fait je l’ai contacté au culot… j’ai trouvé son mail dans les limbes d’Internet et je l’ai harcelé. Au bout d’un moment il m’a dit « arrête de m’écrire, viens et on verra ». J’ai passé 3 mois là-bas, les plus beaux mois de ma vie…
Pour moi c’est le plus grand artiste contemporain vivant. Il y a eu un côté un peu gourou, je me suis retrouvé avec un gars qui avait 75 ans, 30 ans de sculpture derrière lui et une vie trépidante à me raconter… C’était professionnel mais on a lié une amitié super forte, on a pleuré en partant… c’était la première fois qu’il prenait un stagiaire parce qu’il avait toujours refusé et je sais pas pourquoi moi j’ai réussi à passer entre les mailles du filet !
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Al Farrow fait des sculptures de monuments religieux en monture avec des armes à feu et des balles. C’est super, c’est vraiment beau : le message et l’engagement ne prennent pas le pas sur l’esthétique. Et pour moi c’était la jonction entre le dessin de presse et la sculpture ! Il m’a vraiment donné la passion de la sculpture, à cette époque j’avais 19 ans ! On est restés en contact, on a une relation épistolaire, on se raconte nos vies de sculpteurs…
Quand je suis rentré j’ai passé mon diplôme avec le sujet des gueules cassées, je trouvais qu’il y avait des choses à faire, et ça vient vraiment de ce stage : se plonger dans l’idée de la guerre, de ses représentations, toute une réflexion sur les armes à feu… J’ai alors voulu faire une gueule cassée en plomb… Le plomb qui est à la fois les petits soldats de plomb et en même temps le métal des balles.
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Arrivé en France, difficile de fondre de vraies balles, j’ai donc pris du plomb de récup mais le matériau est tellement puissant que la symbolique est quand même là. J’ai eu la chance d’être sélectionné au prix MAIF avec une sculpture de gueule cassée. Ça a changé ma vie car la Fondation des Gueules Cassées a… acheté mon oeuvre ! C’était ma première vente !
J’ai pu quitter mon boulot de serveur et prendre cet atelier, ça m’a vraiment fait un apport pour me dire que j’allais m’y mettre à plein temps. Ça c’était fin 2017, j’avais 21 ans. Il y avait vraiment un côté où toutes les étoiles alignées… malgré le travail accompli, j’ai eu de la chance.
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Ensuite j’ai eu mes premières commandes, c’était des bustes et des animaux… c’était assez loin de mes oeuvres engagées et c’était cool finalement ! J’ai un militaire qui est venu me voir après avoir vu une gueule cassée en me disant « j’aimerais bien que vous fassiez une sculpture de ma femme ». Sur le moment j’étais vraiment interloqué… finalement, il a trouvé une certaine noblesse, un prestige dans mes sculptures.
Du coup j’ai réalisé cette commande pour ce mari très très amoureux de sa femme et c’était finalement plus proche d’une sculpture antique. C’était son cadeau des 40 ans, j’ai tout fait sur photo mais à la fin je voulais reprendre les derniers détails. Il restait 1h de travail et elle est venue dans l’atelier pour la fin… c’était vraiment chouette !
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Dans les bonnes années j’ai 5/6 commandes par an qui m’occupent une grosse partie de l’année et ça me permet d’avoir des projets plus personnels comme mes sculptures caricaturales d’hommes politiques ! Ce sont souvent des rencontres qui amènent à des commandes et en général j’ai beaucoup de liberté… Ce qui est fou c’est que mes clients deviennent toujours des amis. »
En 2021, on vous a également parlé d’une artiste parisienne incroyable, Christelle Téa !
+ D’INFOS
Thomas Waroquier
Atelier Feutrier 26 rue Feutrier
75018 Montmartre, Paris
Atelier du Métal 28 rue Pasteur
94800, Villejuif
Photo de une : Thomas Waroquier dans son atelier / ©Vivre Paris
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